LA BIBLIOTHÈQUE RUSSE ET SLAVE
— LITTÉRATURE TCHÈQUE —
Růžena Svobodová
1868 – 1920
UN AMI
(Přítel)
1916
Traduction de Jules Chopin parue dans Le Flambeau, vol. 9, 1926,
puis en volume, Paris, Bossard, 1927.
Depuis la renaissance de la littérature tchèque, au début du xixe siècle, les femmes y tiennent une large place. C’est une femme, Bozèna Nemcova[1] (1820-1862), qui créa le roman tchèque et, avec Grand’mère, lui donna son premier chef-d’œuvre. Actuellement encore, le nombre est grand, parmi les prosateurs, des femmes de talent. Parmi celles-ci, Mme Ruzèna[2] Svobodova tient une place en vue. Dans ses romans et nouvelles, c’est surtout la femme et l’enfant auxquels elle s’attache. Éprise tout d’abord de réalisme, elle étudie les contrastes, les conflits entre le caractère de la femme, fait de tendresse passionnée, et la platitude de la société bourgeoise (Sur un sol sablonneux, Un épi trop lourd, Un naufrage), ou l’antagonisme qui règne entre deux générations féminines (Fils embrouillés).
Puis brusquement, Mme Svobodova abandonna le réalisme pour se consacrer à une sorte de roman symbolique qui a été fort discuté, mais qui n’est pas sans charme. La première étape dans cette voie nouvelle est marquée par Amoureuses. Viennent ensuite, pour ne citer que les œuvres principales : Flammes et Flammèches, Vaines amours, Les Forestiers noirs, La Source sacrée, Le Jardin d’Irène, etc.
Le style lui-même se ressent de la transformation. D’abord d’une simplicité étudiée, il se fait plus complexe. On sent la volonté de l’auteur de créer « une écriture artiste ». De même, la composition, vaste dans les premières œuvres, tend à se resserrer. Mme Svobodova savait, en effets fort bien ramasser une action en un bref récit : ses nouvelles en donnent la preuve. Elle se promettait d’ailleurs de reprendre la plupart de ses romans pour les élaguer, les condenser. La mort l’empêcha de réaliser cette tâche. Tels quels d’ailleurs, ses romans continueront pour la plupart d’occuper une place honorable dans la littérature tchèque.
Peu de gens ont été tant aimés, tant admirés et tant imités que le vieux postillon Kudrna[3]. Petit, potelé, blond, François, le fils du receveur des postes de cette petite ville de Bohême, ne détachait pas ses yeux ardents, d’un bleu d’argent, de Kudrna. Il considérait ce vieux soldat retraité, lourd et peu agile, comme un des plus grands héros, et, pour se trouver en sa compagnie, lâchait tout ce qui charme les autres enfants, jouets ou friandises.
Kudrna habitait une petite chaumière vétuste, dans une rue étroite située derrière la caserne. Il n’allait au bureau de poste que lorsqu’il devait conduire à la gare le fourgon postal.
Jadis la poste était une entreprise privée, héréditaire, et, avant l’existence des chemins de fer, fort complexe. Les routes de Vienne, de Prague et d’Allemagne passaient alors par cette petite ville, où l’on voyait parfois paraître de fort hauts personnages. La cour de la poste, vaste, pavée, où l’herbe pousse aujourd’hui, était entourée d’écuries voûtées, maintenant vides, et de remises où s’entassaient, au moment où se passe notre histoire, des diligences au rebut.
La poste avait cessé d’être une entreprise héréditaire. Elle était devenue une administration de l’État. Les chemins de fer avaient détrôné les diligences de jadis. L’administration des postes ne possédait même plus de chevaux. Elle en louait à un messager.
Dans sa cour, le vieux Kudrna attelait son cheval à une voiture peinte en jaune, portant un siège couvert et un caisson destiné aux dépêches, et à dix heures et demie, il arrivait devant le bureau de poste.
Chaque jour, à cette heure-là, le petit François s’arrangeait pour se trouver libre. Il évitait d’être retenu par ses camarades, en sortant de l’école ; de rencontrer en route son père, toujours sévère, qui l’aurait renvoyé à la maison ou chargé de quelque commission. Bref, il s’arrangeait pour ne pas manquer la voiture du postillon et pour, malgré les ordres contraires, se dissimuler au fond du siège ou sous le tablier de cuir, de façon à pouvoir aller à la gare à côté de son vieil ami Kudrna.
Kudrna portait généralement un uniforme usagé aux couleurs déjà passées. Une crinière ornait son feutre dur de postillon, et une trompe de cuivre, attachée court, s’immobilisait sur sa poitrine, car la courroie, sans cesse cassée et rafistolée, s’était fortement raccourcie et personne ne songeait à la remplacer.
Aux yeux de François, néanmoins, personne n’avait de plus beaux habits, une trompe plus reluisante et un chapeau plus altier que le vieux postillon lorsque, dignement assis sur son siège, il attendait que sa voiture fût chargée.
Par derrière, les employés de la poste emplissaient la caisse de la voiture de cartons, de sacoches, de sacs et de paniers. Enfin l’un des employés en poussait bruyamment la portière, montait sur le marchepied, enfonçait une barre dans des crampons de fer et, ainsi, assujettissait les deux battants de la portière.
C’est le père de François, le grave et renfermé receveur des postes, qui avait imaginé ce système de fermeture, dont il était très fier. La portière ne pouvait, par ce moyen, s’ouvrir en cours de route. Si l’on avait assujetti les crampons par un cadenas, celui-ci aurait pu être facilement forcé. Par contre, la barre ne pouvait être retirée qu’à l’arrêt ; en marche, cela n’était pas possible. Comme, du siège, on ne pouvait surveiller le derrière de la voiture, il était nécessaire d’avoir un système de fermeture à l’épreuve ; tel était bien celui que Monsieur le receveur avait imaginé.
Pour que son père ne vînt point lui gâter son départ, le petit François n’apparaissait sur le siège qu’au dernier moment, lorsque la voiture était fermée. Il se rapprochait alors de Kudrna, saisissait à deux mains un de ses bras et s’appuyait la tête sur la manche d’un brun verdâtre. Kudrna s’emparait des rênes et donnait à son cheval le signal du départ. François sentait le bras du vieux, agité d’un léger tremblement, presser tout doucement contre la poitrine sa petite main à lui, souvent glacée.
La voiture prenait de la vitesse ; elle allait tressautant, franchissant de durs caniveaux, près du théâtre, où il y a de tels creux qu’il semblait à François que l’on tombait dans des précipices.
On arrivait à la gare. Là un employé prenait livraison du courrier, en livrait un autre, comptant les paquets et les sacs, assujettissait la barre et, sur le coup de midi, on retournait à la maison.
Ces voyages avaient fait naître en François une amitié toute dévouée pour le vieux postillon. Kudrna avait fait les guerres d’Italie sous les ordres du général Radetzky, et le récit de ses exploits émerveillait le petit garçon.
« Une balle m’est passée là, disait le vieux en montrant son chapeau, à deux doigts de la tête. »
D’autres fois, il exhibait fièrement un pouce cicatrisé. Il racontait alors comment il avait été blessé ainsi. Il s’en allait par la plaine, lui, le fantassin, venant du camp, lorsque tout à coup débouchèrent des cavaliers sardes, le sabre au poing. Kudrna fut pris de peur, mais il ne tarda pas à se rappeler ce qu’on lui avait appris sur la façon de se défendre contre des cavaliers. Il visa de loin et abattit un des chevaux. Avant que le second se fût approché, Kudrna avait eu le temps de mettre un genou en terre et de se préparer à la parade au moyen de sa baïonnette. Le sabre du cavalier, glissant le long de la baïonnette, avait fendu le pouce de Kudrna, à la main droite qui tenait le fusil. Avant que le cavalier eût pu porter un second coup, Kudrna s’était relevé vivement et avait plongé sa baïonnette dans le ventre du cavalier qui avait été désarçonné. Kudrna ramena au camp autrichien le cheval, pour lequel on lui donna quatre-vingts florins.
François ne pouvait oublier cette lutte, et ses rêves étaient peuplés de cavaliers sardes chevauchant à travers les plaines de Novare.
D’autres fois encore, Kudrna parlait à François du Tyrol, de l’Italie, de vieilles villes, de montagnes aux neiges éternelles, de basiliques de marbre et, lorsqu’ils traversaient de compagnie les remises encombrées de vieilles diligences, Kudrna décrivait les paysages que parcouraient jadis ces incommodes véhicules.
Lorsqu’il se trouvait seul, François allait s’installer sur le siège crevé, d’où s’échappaient les crins, d’une de ces voitures rouillées, puant de moisissure. Il fermait les yeux et se voyait transporté parmi les paysages que Kudrna lui avait décrits.
Il traversait une forêt, dans la montagne. Il apercevait dans l’herbe du fossé des fraises mûrissantes ; des campanules violettes se balançaient au vent ; il sentait des odeurs de résine. Tirée par deux paires de chevaux, la voiture gravissait un col. Le sommet des monts était couvert de neige éternelle ; de glaciers jaunâtres sortaient des eaux bruissantes qui s’élançaient vers la vallée. Là poussaient des fleurs telles qu’on n’en saurait voir ailleurs : violettes énormes, souples, parfumées, comme de gros papillons. On arrivait dans une ville de la montagne. On y pénétrait par la porte d’une tour pointue, décorée de personnages accroupis et de fleurs, taillés dans la pierre. Aux fenêtres des maisons des pélargoniums en fleur mettaient leur lumière ; sous des grilles en encorbellement, des cages étaient suspendues, et dans toute la rue, les oiseaux en chantant souhaitaient la bienvenue aux pèlerins et aux vagabonds de la montagne.
Un bouchon qui se balançait au-dessus d’une porte annonçait l’entrée de l’auberge du relai. Un soleil de tôle aux rayons ébouriffés brillait au porche de la vieille maison. Il fallait donner à manger et à boire aux chevaux.
On entrait dans l’auberge sombre. Des bancs s’y pressaient le long des murs lambrissés, y entouraient un poêle de faïence verte. D’une voix enrouée et paresseuse une pendule sonnait midi. L’aubergiste arrivait, une saille malpropre à la main. De la mousse s’en échappait, coulant le long des bords artistement faits de deux bois différents...
Des paysages lointains, des châteaux féodaux, les rives escarpées de torrents verts, des chalets dans la montagne, des villes dans la vallée, le petit François voyait tout cela dans sa diligence immobile.
Il voyait se soulever les eaux vertes de la mer ; des barques de pêche aux voiles jaune safran les sillonnaient ; il apercevait des palais de marbre, éclairés par l’ardent soleil du Midi, entourés de sombres sapins et de tamaris aux fleurs roses. Il entendait le chant des pêcheurs, des accords de mandolines, des chansons italiennes,
Tout ce qui faisait la beauté, la joie de l’enfance de François lui venait de Kudrna. D’ailleurs, de son côté, Kudrna aimait ce tendre enfant ; il ne permettrait pas qu’on lui fît mal. Un jour que François se trouvait parmi les employés de la poste occupés à peser les colis, quelqu’un d’entre eux lui attacha une queue de lièvre à sa veste. Le petit garçon se demandait pourquoi tous riaient de lui. Il se réfugiait d’un coin à l’autre pour échapper à leurs moqueries et à leur rire. Mais ses allées et venues à travers la salle noire, qui agitaient la queue de lièvre pendue à sa veste, ne faisaient qu’augmenter la joie des employés.
L’enfant se sentait honteux, inquiet, prêt à pleurer, lorsque entra Kudrna.
Celui-ci jeta à travers ses paupières boursouflées un coup d’œil sur la salle, essayant de découvrir de quoi il s’agissait et pourquoi l’enfant pleurait.
Dès qu’il aperçut Kudrna, le malheureux François se précipita vers lui en pleurant davantage.
« Ils se moquent de moi, dit-il en saisissant une des jambes torses de Kudrna, mais je me demande pourquoi. »
De se trouver auprès de son vieil ami lui fut une consolation ; il ne se sentait plus sans défense,
Kudrna observa les visages plissés par le rire. D’un geste, l’un des garçons de salle lui fit comprendre de quoi il s’agissait. Se penchant un peu, Kudrna aperçut la queue de lièvre, la détacha de ses doigts gourds, la jeta dans un coin et, d’un air de menace, proféra à l’adresse des employés :
« Voyons, des gens de votre âge, se moquer d’un enfant, vous n’avez pas honte ? »
L’effroi abandonna François. Le vieux Kudrna avait pris sa défense ; il avait vertement remis à leur place les féroces employés qui sans cesse se livraient à l’égard de l’enfant à quelque taquinerie. Parfois, quand ils ne savaient quel tour lui jouer, ils imprimaient au fond de son chapeau le timbre à date, de façon à faire savoir aux parents que François était allé à un endroit interdit, auprès de la bascule de la poste.
Un flot de tendresse reconnaissante inonda le cœur du petit François. L’affection qu’il portait à Kudrna s’en trouva follement augmentée.
Chaque fois qu’il le pouvait, François allait se réfugier dans la chaumière de Kudrna. Celui-ci, assis devant sa table, se reposait en fumant. François le contemplait avec extase. Il lui semblait que l’existence la plus belle, la plus désirable était celle que menait Kudrna.
Les parents de l’enfant n’aimaient guère ces visites à la chaumière du postillon. Ils les avaient interdites et François était puni si l’odeur du tabac attachée à lui trahissait sa désobéissance.
Le petit garçon subissait les réprimandes, faisait les punitions imposées, mais, à la première occasion, il retournait chez son héros de postillon écouter ses histoires d’Italie.
Mais, un beau jour, leurs relations subirent une cruelle interruption dont les deux amis eurent beaucoup à souffrir.
Il avait été formellement interdit à François, sous la menace de sévères punitions, d’accompagner le soir Kudrna à la gare. Le chef de station n’aimait d’ailleurs pas qu’il y vînt, car c’était l’heure du passage de l’express de Vienne, et il n’y avait à la gare personne pour surveiller l’enfant et l’empêcher d’aller se fourrer sous les roues. Du reste, l’enfant commençait à polissonner et à courir les rues le soir.
Le 29 avril, un samedi, François s’était rendu chez Kudrna. La chaumière lui avait, ce jour-là, paru plus belle que jamais.
La femme du messager avait dit :
« Cet enfant est le meilleur ami que nous ayons sur terre. Malheureusement nous ne serons plus là quand il sera grand ; c’est dommage, car il nous viendrait en aide. »
François avait senti des larmes brûlantes monter à ses yeux. Ces paroles avaient encore réchauffé son affection. Lorsqu’un instant après Kudrna était parti atteler son cheval, François l’avait accompagné et il s’était tout de suite caché sous le tablier de cuir du siège.
Ils étaient arrivés en retard au bureau de poste, aussi le chargement avait-il été vite fait et un instant après ils étaient à la gare.
Kudrna s’était plaint à l’enfant de ne pas se sentir à l’aise: la tête lui tournait et il avait la vue trouble. En cours de route, il avait pris quelques gouttes de genièvre, dont sa femme lui avait donné une petite bouteille. Descendu de voiture à la gare, Kudrna se sentait tout titubant ; il fut donc obligé d’aller s’asseoir sur un banc, devant l’édifice. Un commis qui les avait accompagnés ouvrit le caisson où avaient été placés les sacs de dépêches. Il y en avait quatre, bien ficelés, bien scellés et portant l’étiquette du bureau. François, qui se posait en connaisseur des choses de la poste, l’avait fort bien remarqué. Kudrna étant souffrant, l’enfant s’offrit à porter lui-même les sacs au train. Il le fit avec le plus grand sérieux et la plus prudente attention, et même, chemin faisant, il vérifia si les plombs qui fermaient les sacs étaient en bon état. Il prit notamment des précautions infinies pour porter la dépêche des plis chargés, qu’il remit au convoyeur sous les yeux du commis. Au retour, ce fut ce commis qui conduisit le cheval, l’état de Kudrna ayant empiré et le postillon n’y voyant plus. Il avait achevé son genièvre. Quelqu’un avait dételé son cheval ; quant à lui, il s’était couché dans l’écurie où il resta deux jours.
En cours de route, François avait tremblé de peur. Si son père apprenait qu’il était allé à la gare le soir, qu’il s’était approché du train et que même il avait porté les dépêches, il serait sûrement puni, il lui faudrait jeûner, supporter des coups et des injures. Il pria donc le commis de ne pas le trahir ; il se faufila doucement dans la maison, puis dans l’appartement. Là, il parvint à se dissimuler derrière un portemanteau, dans un coin de la chambre à coucher. Il ne sortit que lorsqu’on l’appela pour dîner, et encore feignit-il d’être caché là depuis longtemps. Personne ne se douta de rien. Deux jours plus tard une nouvelle sensationnelle emplissait la ville. Une sucrerie avait envoyé à une banque de Prague un pli chargé contenant vingt mille florins, et l’envoi n’était pas parvenu. Le pli, remis au bureau dont le père de François était receveur, s’était perdu.
On s’aperçut alors que la barre destinée à assurer la fermeture du caisson de la voiture avait justement disparu ce même jour et qu’on n’avait pu la retrouver. M. le receveur vit là la cause de toute l’affaire : l’accident était dû à l’absence de cette barre qu’il avait imaginée.
Un commissaire vint de Prague procéder aux enquêtes. Les soupçons se portèrent sur deux personnes : sur le commis qui avait reçu le pli et qui avait accompagné la voiture, ainsi que sur le postillon Kudrna, qui avait conduit la voiture à la gare. On ne pouvait expliquer comment Kudrna, qui pendant toute l’opération n’avait pas quitté son siège, aurait pu s’approprier le pli chargé. Néanmoins tous deux furent inculpés, mis en état d’arrestation et incarcérés.
La tristesse régnait chez les parents de François. Son père était des plus agités, si bien que la femme et les enfants souffraient de sa mauvaise humeur. François, en outre, éprouvait une sourde douleur en songeant qu’il ne pouvait venir en aide à Kudrna.
Il avait revu son ami lorsque celui-ci, rétabli, était revenu à la poste avec sa voiture. Il l’avait revu en ces mauvaises heures d’humiliation.
Devant tout le monde, le père de François, le sévère receveur, avait, d’une voix rude et courroucée, invité Kudrna affaibli par la maladie, à céder son siège à un postillon plus jeune, et il lui avait annoncé qu’il était relevé de ses fonctions.
François avait vu trembler les paupières enflées de Kudrna qui était même incapable de remettre son fouet en place. Au moment où il allait quitter son siège, le postillon se pencha pour chercher quelque chose dans le coffre de la voiture. Tout le monde avança la tête, pensant qu’il allait en sortir les vingt mille florins. Il n’en retira qu’un mouchoir rouge de rechange, deux croûtons informes et sa blague à tabac presque vide. Après avoir secoué son mouchoir, retourné sa
blague et répandu dans la boue le peu de tabac qu’elle contenait, Kudrna s’éloigna sans mot dire du bureau de poste. François se sentit l’envie de crier, de prier en joignant les mains, d’empêcher Kudrna de s’en aller ainsi troublé et sans mot dire. Longtemps il eut honte de ne l’avoir pas fait. Il n’osa faire qu’une seule chose, c’est de dire à son père d’une voix bouleversée :
— Oh ! papa, ne l’accuse pas de vol, défends-le.
Mais le père répondit sèchement :
— Il sera fait selon la justice. S’il est innocent, la vérité éclatera au grand jour ; s’il est coupable, il sera puni comme doit l’être tout malfaiteur.
François osa lever ses regards vers les yeux sévères de son père, et, pour la première fois, il sentit qu’il n’en avait pas peur.
— Il n’a pas volé, proféra-t-il avec un courage dont il ne se croyait pas lui-même capable. Il ne peut pas avoir volé, c’est un soldat ; il s’est battu avec des cavaliers sardes.
Il s’attendait à être repoussé ou battu par son père. Un pli amena sur les lèvres paternelles un sourire indulgent et fier à la fois, mais le receveur ne prononça pas une parole.
François eut l’impression que son père avait souri de sa crédulité. L’enfant ne pouvait comprendre qu’on pût punir et humilier un homme avant que sa culpabilité eût été démontrée. Lorsque la suspicion se sera évanouie, qui donc revaudra à Kudrna l’affreuse minute où, sous les yeux de tous les employés et commis des postes, le receveur lui a ordonné de quitter son siège ? Jusqu’à sa dernière heure, Kudrna ne manquera pas de se rappeler tous les visages tordus d’un rire moqueur et de joie maligne qui l’entouraient ; il reverra aussi l’air irrésolu de François et n’oubliera jamais que l’enfant n’a pas pris sa défense.
Accuser de vol un héros pareil ! Et qu’il ne se soit trouvé personne, sinon lui, petit écolier impuissant, pour croire à son innocence !
L’enfant se consolait dans l’espoir de s’échapper de chez lui, dans le courant de l’après-midi, pour aller voir son malheureux ami, pour l’embrasser et lui dire qu’il avait confiance en lui.
François venait de finir de déjeuner ; il se préparait à quitter subrepticement la salle, lorsqu’il entendit la bonne qui, debout devant la fenêtre de la cuisine, criait :
— Tiens, on l’emmène.
Le ton de l’exclamation avait fait mal à l’enfant avant même qu’il eût pu comprendre qui on emmenait.
— Qui l’emmène ? demanda-t-il d’une voix effrayée.
— Les gendarmes ; ils l’emmènent en prison.
Tout était donc perdu. Il ne le reverrait plus ; il ne reverrait plus son honnête regard. Kudrna, bien qu’innocent, serait condamné, emprisonné, et il ne saurait jamais que le petit cœur reconnaissant de François avait pleinement foi dans son honnêteté.
Mais peut-être pourrait-il le rattraper ; peut-être pourrait-il réussir à l’arracher aux mains des gendarmes, à s’enfuir avec lui et à l’emmener se cacher quelque part, dans la cabane d’un gardien, par exemple.
Sans même prendre son chapeau, François traversa la chambre et gagna la porte pour atteindre l’escalier.
— Où vas-tu ?
Et la voix de son père le cloua au sol.
— Oh, papa ! permets-moi de descendre une minute, seulement le temps de dire à Kudrna que je ne crois pas qu’il ait volé.
— Tu n’iras pas, ordonna le père sans donner aucune raison.
Et il enjoignit à sa femme de ne pas laisser sortir l’enfant. François passa le reste de la journée debout près de la fenêtre, à contempler la rue de la prison où s’étaient engagés Kudrna et les gendarmes.
Sa mère essaya de le distraire. Elle lui permit de faire un train avec des chaises. Il n’usa pas de la permission. Elle s’offrit à faire avec lui une partie de dominos. L’enfant pensait à autre chose en plaçant les dés, aussi les posait-il tout de travers. Son amitié affligée le transportait à la porte de la prison, et il souffrait.
Peut-être Kudrna ne saurait-il jamais que son petit ami avait foi dans son honnêteté : il l’avait trahi devant tout le monde en se taisant, en ne courant pas après lui, dans la rue pour l’embrasser et crier :
— Non, il n’a pas volé ; c’est un homme honnête.
Il ne l’avait pas défendu comme Kudrna l’avait toujours défendu lui-même. Non, il n’était pas digne de l’amitié de ce vaillant homme, de cet honnête homme.
La tête dans ses deux mains, s’appuyant sur la table, l’enfant se prit à sangloter.
Sa mère ne put rien obtenir de lui. Il pleurait sans cesse.
Comme elle insistait tendrement, il finit par répondre, sans relever son visage baigné de larmes :
— Oh ! maman, je suis un traître.
— Mais qui donc as-tu trahi ?
— Je n’ai pas pris la défense de Kudrna devant tout le monde, et pourtant je sais qu’il est innocent. Il était souffrant, ce jour-là, et il n’est pas descendu de son siège. Il n’a pas touché à un seul sac de dépêches.
La mère ne pouvait le consoler. Il n’en démordait pas. Il passa une nuit agitée, continuant à sangloter dans son sommeil. En classe, le lendemain, il se montra distrait. Comme il rentrait de l’école, à onze heures, un groupe de gens, suivis d’une foule de curieux, attira son attention.
Ce groupe bizarrement composé débouchait de la rue de la prison. Ces messieurs du tribunal, accompagnés du père de François, sans se parler, traversaient la place. Derrière, deux gendarmes escortaient Kudrna. Des femmes curieuses, les mains cachées sous leur tablier, tête nue, telles qu’elles venaient de quitter leurs fourneaux, des écoliers, le vieux Barta le mendiant suivaient le cortège.
Le père de François et ces messieurs du tribunal se dirigeaient vers la petite rue où se trouve la maisonnette de Kudrna.
François ignorait où l’on conduisait celui-ci, mais l’attitude des gendarmes qui l’accompagnaient ne semblait pas annoncer que le vieillard, reconnu innocent, eût été acquitté et qu’on le reconduisît triomphalement chez lui.
« Il n’est pas au bout de ses souffrances. On le mène à un nouvel interrogatoire, peut-être à la gare ou peut-être à la prison centrale de Prague », se disait François, et il comprenait alors ce qui lui restait à faire.
Devant la ville entière, devant son rigoureux père, devant ces messieurs du tribunal, devant lès gendarmes, devant ces femmes curieuses, devant Barta le mendiant, il lui fallait exprimer la confiance qu’il avait dans Kudrna.
Il rattrapa le cortège. Après un instant d’hésitation, il saisit le vieux Kudrna par un pan de son habit et, essoufflé, par saccades, il cria de toutes les forces de ses jeunes poumons :
— Laissez-le, lâchez-le, c’est un honnête homme.
Les agents de la force publique se tournèrent vers l’enfant. Ils eurent un instant d’hésitation, mais ne s’arrêtèrent pas, s’imaginant sans doute que cette pénible situation cesserait d’elle-même, sans qu’ils eussent à intervenir et à causer des désagréments à M. le receveur de la poste.
Kudrna jeta au cher petit un regard timide, et, de sa rude main tremblante, il écarta de sa veste la menotte de l’enfant.
— Allez-vous-en, conseilla-t-il tout bas, on vous punirait, et cela me ferait de la peine.
François leva sur le vieillard ses yeux d’un bleu d’argent et, sous les lourdes paupières cernées de Kudrna, il put voir briller une douce flamme de tendresse reconnaissante qui s’allumait pour lui.
— Allez-vous-en, répétait le vieux postillon, dont le regard semblait dire :
« Ô mon cher petit cœur, toi, tu sais lire dans l’âme d’un vieillard, d’un homme qui, sans tache, a servi pendant toute sa vie ; qui ne s’est jamais approprié quoi que ce soit, fût-ce une malheureuse pomme de terre ; qui a toujours, mené l’existence du pauvre ; qui n’a jamais souhaité le superflu ; qui n’a jamais pensé aux biens matériels et dont le cœur est déjà consacré à celui à qui on élève des temples de marbre blanc et dont il t’a souvent parlé. »
François se sentait réchauffé par la compatissante flamme que lançaient les yeux de Kudrna, par l’ardente amitié du vieillard. Mais, pris de terreur en voyant que personne ne s’était arrêté, que son exclamation était restée sans effet, l’enfant lança d’une voix plus forte :
— Lâchez-le, vous dis-je, c’est un honnête homme ; croyez-moi, c’est la probité même.
Les gendarmes, ne sachant que faire ni comment intervenir, s’efforçaient au moins d’entendre ce qu’en disaient ces messieurs.
— C’est mon fils, disait, en façon d’excuse, le receveur gêné, qui jeta un regard glacial à l’enfant et lui ordonna de rentrer à la maison.
François eût volontiers obéi à son papa, mais allait-il abandonner encore Kudrna, le trahir une fois de plus ?
Il prit donc la suite du cortège. Il aurait voulu être l’empereur, un ange, le bon Dieu. Il aurait voulu être un de ces êtres tout-puissants qui font des miracles ; il aurait pris le vieux postillon sous sa protection, aurait ordonné aux juges de le relâcher et même de lui accorder une compensation.
La commission judiciaire se dirigea vers la maisonnette de Kudrna, puis entra dans sa demeure humide. Les fenêtres étaient ouvertes, ces fenêtres devant lesquelles un pied de lilas ouvrait ses bourgeons. Tremblante, la femme de Kudrna se glissa par la porte, fit quelques pas et s’appuya au mur.
— Quelle honte pour nous, fit-elle à plusieurs reprises avec des sanglots.
Les gendarmes fouillèrent les tiroirs, l’armoire ; ils éventrèrent la paillasse dont ils répandirent en l’agitant la paille sur le sol ; ils décrochèrent les tableaux appendus aux murs et en arrachèrent le carton.
Aucun endroit n’échappa à la curiosité de leurs regards inquisiteurs. Bientôt il ne restait plus à examiner que l’étable et le plancher.
Le plus jeune des gendarmes, ayant enlevé sa baïonnette et son chapeau, pénétra dans l’étable d’où il avait expulsé une chèvre. Nulle part, pas même sous la mangeoire, il ne trouva trace de l’argent cherché. Il alla ensuite quérir un charpentier.
Il avait semblé à ces messieurs du tribunal qu’une des planches avait été récemment clouée. Ils la firent donc arracher.
Puis on entendit les voisins pour savoir si, dans la nuit du 29 au 30 avril, ils n’avaient pas perçu quelque bruit, si Kudrna n’avait pas enfoui quelque chose dans le jardin. Mais le vieux postillon ne pouvait entrer dans le jardin, et personne n’avait rien entendu.
Kudrna restait planté, les bras ballants, la où on lui avait dit de se tenir. Sans un mot, il laissait mettre en désordre, dévaster sa pauvre demeure.
Finalement la planche fut arrachée. On ne découvrit rien au-dessous. Ce fut une déception pour tous, que cette vaine perquisition avait fatigués, et qui se seraient sentis soulagés si Kudrna avait réellement été le voleur.
Mais celui-ci répéta, une fois de plus :
— Vous ne trouverez rien chez moi, je suis un homme honnête. Je n’ai rien volé.
— Oui, oui, vous ne faites que répéter que vous n’avez rien volé, mais quand je vous demande si vous avez des témoins, vous vous contentez de détourner la tête, lui dit le juge d’instruction.
En entendant ces mots, François se redressa et l’on vit sa poitrine se gonfler.
— Le 29 avril vous étiez en état d’ivresse. On vous a trouvé étendu dans l’écurie, cuvant votre alcool. Auparavant, vous aviez à remettre au chemin de fer quatre sacs de dépêches scellés et plombés. Or, c’est justement le sac contenant une lettre chargée qui s’est perdu.
Ah ! les choses étaient ainsi. François avait suivi l’interrogatoire avec attention. Ah ! il fallait des témoins au tribunal ! Malgré sa jeunesse, on l’écouterait sans doute. Qui pourrait alors, devant lui qui savait comment les choses s’étaient passées, soutenir que Kudrna était ivre, qu’il avait détourné le pli chargé ?
Les yeux de l’enfant brillaient de courage ; il se sentait impitoyable pour tout ce qui était indifférent ou injuste. Lorsqu’on avait demandé à Kudrna s’il avait des témoins, le regard du vieillard avait rencontré les yeux de François, et celui-ci avait compris. Il avait compris que, bien qu’ayant un témoin, Kudrna s’était tu ; qu’il avait supporté les pires offenses pour ne pas dévoiler que l’enfant l’avait accompagné à la gare.
François s’avança résolument vers la table où était assis le juge d’instruction avec son greffier. Les bras croisés très haut sur sa maigre poitrine, élancé et le visage pensif, son père se tenait debout près du mur. Il n’aurait d’ailleurs pas pu s’asseoir : le ménage Kudrna ne possédait pas trois chaises. François ne regardait pas le juge ; les yeux fixés sur le beau visage attristé de son père, l’enfant prit délibérément la parole :
— Le postillon Kudrna a un témoin, mais il ne veut pas le faire connaître. Ce témoin, c’est moi. Le 29 avril, au soir, j’ai accompagné Kudrna. On m’avait rigoureusement interdit d’aller le soir à la gare. J’y suis pourtant allé en cachette. Je m’étais dissimulé sous le tablier de cuir du siège, et je n’ai pas quitté Kudrna une minute. S’il ne l’a pas révélé, c’est qu’il voulait m’éviter une punition à la maison.
Le juge d’instruction interrompit François d’un mot : « Écrivez, dit-il au greffier. »
— Ce soir-là, Kudrna était malade, poursuivit l’enfant avec fièvre. Il avait des vertiges, et sa femme lui avait donné un peu de genièvre pour boire en route.
— Combien pouvait-il y avoir de cette liqueur ? interrompit à nouveau le juge.
François réfléchit un instant.
— Tout au plus trois petits verres.
— Aurait-il pu s’enivrer avec ?
— Il ne l’aurait pas pu, et d’ailleurs il n’était pas ivre. Il était malade, rien de plus. Habituellement, c’est lui qui porte les sacs au train. Cette fois-là, il titubait à tel point qu’il a dû s’asseoir sur un banc, en face de la gare.
— Et qui, alors, a porté les sacs au train ?
Un court silence plana.
— C’est moi-même qui ai porté les sacs au train, répondit fièrement François, qui avait vaincu toute timidité.
Le père eut un mouvement, mais il ne dit rien. La déposition de son fils l’émouvait.
— Puisque vous avez porté les sacs au train, vous devez savoir combien il y en avait, demanda le juge d’un ton bienveillant.
— Il y avait quatre sacs.
— En êtes-vous bien sûr ?
— Oui, j’en suis parfaitement sûr.
— Étaient-ils plombés ?
— Oui, ils étaient plombés, liés par une ficelle, cachetés et munis d’une étiquette.
— Et quels étaient ces sacs ?
— Il y avait trois sacs de dépêches et un sac contenant les envois chargés.
Le juge, se tournant vers le receveur, demanda :
— Se peut-il que votre fils soit versé dans les choses de la poste et puisse reconnaître le sac aux envois chargés ?
Toute l’attention de François se concentra sur le visage de son père. Qu’allait-il dire, qu’allait décider ce mélancolique, mais cher papa ?
Le receveur ne put retenir un sourire d’orgueil, qui anima ses traits durs mais expressifs, et il dit avec fierté :
— Il s’y entend aussi bien qu’un commis des postes. Vous pouvez vous fier à ce qu’il dit.
François aurait sauté de joie, l’envie lui prenait de courir embrasser son père, ce papa qui venait de faire son éloge, qui, devant tout le monde, s’était montré fier de lui, et il rougissait de plaisir.
— Mais êtes-vous bien certain d’avoir porté et remis vous-même le sac aux envois chargés ?
— J’ai remis les quatre sacs, et notamment le sac aux plis chargés, j’en suis sûr, répondit l’enfant d’une voix changée, qui prenait la gravité des voix d’hommes faits.
— Mais n’aurait-il pas pu tomber de la caisse ouverte ou être laissé sciemment au fond de la voiture ?
François eut un large sourire.
— Comment aurait-il pu être laissé sciemment dans le coffre, puisque je l’en ai sorti et que je suis allé moi-même le jeter dans le wagon-poste ?
— Vous êtes donc convaincu que ni Kudrna ni qui que ce soit n’a pu le dérober ?
— Oui, j’en suis absolument certain, dit François en frappant rudement, du plat de la main, sa petite poitrine qui rendit un son mat. Du reste, ajouta l’enfant d’une voix ferme, Kudrna n’a pu le prendre puisque, ce soir-là, il n’a pas même touché aux sacs, et personne d’autre non plus, puisque j’ai moi-même régulièrement remis tous les sacs. Si quelque chose s’est perdu, cela s’est perdu ailleurs que dans notre ville.
L’audace de François augmentait à chaque mot. Son pâle visage s’animait, l’émotion assombrissait l’argent de ses yeux bleus.
L’affaire prenait tout à coup un autre aspect.
François se sentait grandir. Il lui semblait qu’il s’allongeait, qu’il devenait transparent et qu’il allait s’envoler. Jamais, de toute sa vie d’enfant, il n’avait éprouvé un tel bonheur. Son cœur tressaillait d’une indicible félicité. Son père lui souriait. Tout à coup, quelqu’un derrière lui lui saisit une main, la porta à ses lèvres et la mouilla de larmes. Il sentit sur sa peau la barbe rude de Kudrna.
Se retournant, l’enfant retira sa main, se jeta au cou du vieillard et l’embrassa.
Les doigts tors et rugueux de son vieil ami, du vainqueur des cavaliers sardes, du héros de Novare, le pressaient avec des transports de tendresse.
Sans rien se dire, François et Kudrna se remerciaient ainsi mutuellement du bonheur qu’ils s’étaient procuré l’un à l’autre.
Kudrna fut acquitté, et le receveur des postes l’informa qu’il reprendrait sa place sur le siège du fourgon-poste et qu’on lui rendrait son uniforme, son chapeau à crinière et sa trompe munie d’une courroie.
Loin d’être puni, François fut félicité. Il fut dorénavant autorisé à passer des après-midi entiers dans la vétuste chaumière de Kudrna et le soir, sans avoir à se cacher, il put, assis sur le siège à côté du vieux postillon, l’accompagner à la gare, le tenant par le bras en écoutant ses récits entrecoupés de paroles de reconnaissance.
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Texte établi par la Bibliothèque russe et slave ; déposé sur le site de la Bibliothèque le 4 novembre 2013.
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